11 Septembre : l'implacable chagrin des New-Yorkais dix-huit ans après
MEMOIRE. Le 18e anniversaire marquant les attaques des tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre 2001 a de nouveau été célébré dans la peine par les New Yorkais dont un nombre considérable de jeunes tandis que des dizaines de milliers de personnes continuent de souffrir de cancers et d'autres graves maladies entraînant des décès chaque année depuis la tragédie.
Cette fois, Donna a craqué. Un gros bouquet de fleurs blanches à la main, la jeune femme a timidemememt longé le pourtour de l'un des deux immenses bassins construits à l'endroit même où s'érigeaient les tours. Escortée par un discret agent de sécurité soucieux de ne laisser passer personne d'autre que les proches, amis et familles, elle s'est soudain arrêtée le long du cordon de séparation dessinant comme une allée impénétrable autour de l'édifice.
Dix-huit ans sont passés depuis l’attaque des tours jumelles et pourtant Donna, un bouquet de fleurs blanches à la main, éprouve encore une peine immense pour le cousin de ses voisins dont le nom a été gravé dans l'immense plateau de bronze. Marie Le Blé / The Daily View.
Sous ses doigts fragiles, l'un des 3000 noms gravés dans l'épaisse plaque de bronze noir encadrant la fontaine aux eaux éternelles, celui du cousin de son voisin de l'époque.
Ce n'était pas un membre de sa famille, pas même un ami et pourtant. Envahie soudain par l'émotion en arrangeant les quelques fleurs fraîches déposées le matin même sur l'épitaphe, Donna s'est mise à pleurer.
A l'opposé de l'édifice, David, son mari, la mine tout aussi sombre, venu de son côté rendre hommage à un ami de toujours.
Inquiet de voir son épouse à ce point attristée, David n’en est pas moins peiné lui-même. Il est venu de son côté rendre hommage à son ami disparu. Marie Le Blé / The Daily View.
" On avait la petite trentaine, raconte le New-Yorkais inquiet d'apercevoir sa femme en larmes au loin. On ne se connaisait pas encore avec Donna. La personne que je viens voir aujourd'hui était mon meilleur ami. C'était un informaticien. Il venait de décrocher son premier poste dans l'une des tours. C'était à peine quinze jours avant les attaques. Il était super content. On devait se rencontrer le matin même mais il m'avait appelé pour me dire qu'il devait aller travailler. On ne s'est jamais revu."
"C'est très éprouvant pour elle aujourd'hui"
Inconsolable, Donna rejoint son époux consterné au milieu de l'esplanade. "Je ne sais pas ce qui se passe mais très éprouvant pour elle aujourd'hui. Elle adorait ses voisins et elle connaissait bien leur cousin."
N'ayant n'a pas pu assister aux commémorations de la matinée, le couple a fait du plus vite qu'il a pu pour venir, chacun après sa journée avec ses chagrins en tête, adresser un dernier au-revoir à sa regrettée connaissance.
Claquemuré
En ce bel après-midi de fin d'été, New York, retrouve, comme chaque année en septembre, les douceurs de l'été indien. Le ciel est d'un bleu limpide. Si bleu qu'on imaginerait bien les New Yorkais à la plage ou sirotant un cockail dans un bar branché du quartier.
En cette journée du souvenir, le One World Trade Center qu’on appelle aussi la Tour de la Liberté domine de ses 104 étages les deux bassins et le musée du Memorial du 11 Septembre. Construit en lieu et place de la tour nord, il a été inauguré en 2014 après huit ans de travaux. Marie Le Blé. The Daily View.
Mais en ce mercredi 11 septembre, Manhattan s'est de nouveau claquemuré dans un silence que les sirènes de la ville ou même le brouhaha de la masse compacte de touristes mi-curieux, mi-médusés ne peut briser.
18 Years ago Today 3,000 people just spent their last night ever with their families. Think about that for a minute. This day changed our Nation forever #NeverForget #September11
— Scott Levy (@FuelOnline) September 11, 2019
Thank you #FirstResponders
Love you guys! Proud to be an American 🇺🇸 🙏 pic.twitter.com/lxbnzlsFQ2
Dix-huit ans sont passés depuis l'attaque au matin des tours jumelles du World Trade Center par un commado djihadiste à l'heure de pointe dans le Lower Manhattan mais le temps des hommages sonne encore aujourd'hui comme un implacable rituel. " Tout le monde arrive vers 8 heures du matin, rappelle Steve, l'un des milliers de policiers postés sur les lieux de la tragédie. La commémoration dure environ quatre heures et beaucoup de gens restent ensuite sur place."
L’eau de la cascade s'écoule telle des larmes sur les noms gravés au milieu des fleurs en lieu et place où les tours sont tombées. Marie Le Blé / The Daily View.
Les noms s'égrenent comme un chapelet
En ce sombre jour anniversaire, toutes les chaînes du pays suspendent leurs programmes habituels pour retransmettre en direct la longue cérémonie d'hommages aux victimes. Les noms s'égrenent comme un chapelet sur de petits podiums disposés sur la place du Memorial où se tiennent deux par deux et coude-à-coude les membres de chaque famille.
September 11: Reading of the names of those lost on 9/11/01 - watch on-demand video of the ceremony here https://t.co/WlKmVx86V6 pic.twitter.com/3fM47HLbhz
— Eyewitness News (@ABC7NY) September 11, 2019
Un père, une mère, une fille, un fils, une soeur, un frère, une tante, un cousin, une cousine, une nièce, un oncle... La liste des personnes tuées dans les deux gratte-ciels de plus 100 étages est interminable. Les milliers de noms et prénoms lentement prononcés, chacun accompagnés de quelques mots d'amour, d'affection ou d'amitié, claquent tel un bruit sourd comme soudain au milieu de nulle part devant l'audience endeuillée.
Cette casquette, sur laquelle on lit Lancashire, un comté du nord-ouest de l’Angleterre, a été délicatement posée au milieu des roses sur le nom de l’une des 3000 victimes. Marie Le Blé / The Daily View.
8 h 46 et 9 h 03
Jusqu'au premier tintement d'une cloche à incendie à 8 h 46, suivi du second à 9 h 03 marquant les heures auxquelles les avions détournés sont venus frapper les tours qui se sont transformées en brasiers avant de s'écrouler, ne laissant aucune chance aux milliers d'employés pris dans un piège infernal.
Les deux gros coups durs de la matinée sont chacun suivis d'une longue minute de silence tout comme pour l'attaque du Pentagone par un troisième avion et celle du vol 93 qui s'est écrasé dans un champ de Shanksville, en Pennsylvanie.
Comme des milliers de proches, familles et amis des victimes, Sarah est venue, une fois encore, se recueillir là où sa collègue a perdu la vie ce matin-là.Marie Le Blé / The Daily View.
Dans le carré des officiels où la politique est généralement soigneusement évitée, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, le démocrate, Bill de Blasio, maire actuel de la capitale financière, et ses prédécesseurs, Rudy Giuliani, élu au moment des attentats, ce qui lui a valu le surnom de "maire de l'Amérique" ainsi que Michael Bloomberg qui a présidé au chantier de reconstruction de ce quartier de Manhattan complètement transformé par le drame.
Revêtue d'une robe imprimée noir et blanc, Sarah est venue elle aussi après son travail rendre hommage à une collègue de bureau. "C'était de plus une très bonne amie ", avance-t-elle d'une voix calme après avoir pris d'une main un peu d'eau de la cascade coulant sous le bouclier de bronze avant d'en recouvrir, comme pour le bénir, le nom de sa chère disparue.
Le nombre de jeunes à s'être déplacés après leurs cours ou leur journée de travail est impressionnant. Chacun se présentant en silence devant l’épitaphe de l’être aimé qu’ils ont à peine, voire pour certins jamais connus. Marie Le Blé / The Daily View.
Tous les âges se confondent pour venir honorer les victimes mais la présence considérable de jeunes, peut-être plus qu'à l'ordinaire, marque l'attention. Il faut dire que presque deux décennies plus tard, la tragédie qui a terrifié l'Amérique et le reste du monde, continue de faire parler d'elle.
Au delà du très lourd bilan qui a aussi fait plus de 6000 blessés, ce sont des dizaines de milliers de personnes dont de nombreux sapeurs-pompiers, urgentistes et secouristes qui souffrent aujourdhui de cancers et d'autres maladies graves dus au nuage toxique qui a plané pendant des semaines dans le ciel de Manhattan après les attaques. De nouveaux décès viennent ainsi s'ajouter chaque année à la longue liste des victimes depuis la tragédie.
He Was A Firefighter For 25 Years, Served In Vietnam, Responded At Ground Zero, And Then He Got Cancer #Veteran #September11 https://t.co/Hf0w3OhgRk
— Ronny Allan (@RonnyAllan1) September 11, 2019
Malgré et en dépit de tout, le gouverneur Andrew Cuomo a signé, la veille des célébrations, une loi obligeant les écoles publiques à marquer les événements par une minute de silence. Une volonté commune des élus new-yorkais "pour ne jamais oublier."