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Service Secret oblige, Alexandre Benalla n'aurait pas pu suivre Emmanuel Macron aux Etats-Unis

Service Secret oblige, Alexandre Benalla n'aurait pas pu suivre Emmanuel Macron aux Etats-Unis

Alexandre Benalla a encadré l’arrivée des Bleus, le lundi 16 juillet, jusqu’au passage du bus des champions du monde sur les Champs Elysées. Le Secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Christophe Castaner, déclarera qu’il s’occupait uniquement des bagages ce jour-là. Sébastien Gerber @sebgerber / Instagram.

SCANDALE. Alexandre Benalla, s'en prenant à des manifestants lors des défilés du 1er mai à Paris. Le chargé de mission de l'Elysée aux fonctions de protection d'Emmanuel Macron à la fois floues et très étendues, n'aurait jamais pu accompagner son Président aux Etats-Unis. Explications du Secret Service américain. 

By Marie Le Blé ...
Créé le 26/07/2018, 9 h 18 - Modifié le 28/09/2018, 17 h 42

Est-ce le fait de ce selfie pris une arme de poing à la main avec la serveuse d’un restaurant durant la campagne d’Emmanuel Macron en avril 2017 alors qu’Alexandre Benalla ne disposait pas, à l'époque, d’une autorisation de port d’armes ? Une chose est sûre, c’est qu’à la suite de cette nouvelle révélation publiée par Mediapart, son avocat, Laurent-Franck Lienard, a jeté l’éponge.

L’ex-conseiller de l’Elysée a fait appel à deux spécialistes de gros "chantiers", Pierre Haïk et Jacqueline Laffont, les mêmes qui ont défendu Nicolas Sarkozy dans l'affaire des écoutes ou encore Serge Dassault, Charles Pasqua ainsi que l'ex-dirigeant de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo. Egalement à leur actif, des dossiers aussi brûlants que ceux d'Elf, Bettencourt ou les emplois fictifs de la mairie de Paris.

L'audition de leur nouveau très médiatique client par des juges d’instruction prévue ce vendredi 28 septembre s’est vue, à leur demande, reportée à une date ultérieure.

« Tempête dans un verre d’eau »

Il faut dire que l’histoire n’en finit pas de surprendre. La « tempête dans un verre d’eau » dénoncée par Emmanuel Macron lui-même au début de l’été a traversé les vacances, pour devenir une tempête tout court tant les informations dévoilées depuis maintenant plusieurs mois s’accumulent et interrogent sur ce qui est devenue « l’affaire Benalla. » 

Cette image, où l’on voit Alexandre Benalla ganté et casqué s’en prendre vigoureusement à un manifestant, est tirée d’une vidéo prise Place de la Contrescarpe le jour des manifestations du 1er Mai à Paris. Elle précipitera son départ de l’Elysée et annoncera l’affaire qui portera son nom. Capture d'écran.

Nouvelle question, nouvelle nébuleuse. Pourquoi les missions de sécurité d’Alexandre Benalla ne franchissaient, a priori, pas les limites de l’hexagone? L’adjoint au chef de cabinet de l’Elysée n’a visiblement jamais pu étendre son terrain de jeu, notamment, sur sol américain. 

Déferlement d’images

Si l’on en croit les déclarations répétées de l’Elysée depuis le 18 juillet, jour de la révélation par Le Monde des agissements filmés de l’adjoint au chef de cabinet lors de la manifestation du 1er Mai, la mission du « bodyguard » d’Emmanuel Macron consistait à coordonner l’organisation des déplacements officiels et privés du chef de l’Etat. 

Des propos prononcés sous serment dans la bouche même de l’intéressé lors de son audition savamment préparée devant la commission d’enquête du Sénat le mercredi 19 septembre dernier. 

Mais les faits sont tenaces et la réalité du terrain, ajoutée au déferlement d’images dans les journaux et sur les réseaux sociaux, le tout alimenté par des agences de presse tout d'un coup replongées dans leurs archives, ont très vite démontré que le chargé de mission de vingt-sept ans, par ailleurs, absent du Journal Officiel comme une dizaine d’autres que lui, couvrait de manière permanente et rapprochée toutes les visites d’Emmanuel Macron et ce, depuis les premières heures de la campagne. 

Dernier déplacement dans l’Orne

Le tout dernier déplacement du chef de l’Etat encadré par Alexandre Benalla se déroule le jeudi 12 avril dernier à l’école primaire de Berd’huis, petite commune de l’Orne en Normandie. Emmanuel Macron et le jeune chargé de misson sont certainement loin de penser qu'ils ne seront plus amenés à se revoir d'ici peu.

Nous sommes à un peu plus de deux semaines des événements qui déclencheront le scandale que l’on connaît au sommet du pouvoir et à exactement onze jours de la visite d’Etat du couple Macron aux Etats-Unis.

Ce jour-là, comme les précédents, Alexandre Benalla, en costume-cravate bleu foncé, assure une protection encore très active et rapprochée du locataire de l’Elysée lequel est venu participer en direct à une interview au journal de 13 heures de TF1. 

Le jeudi 12 avril sera la dernière sortie officielle d'Alexandre Benalla aux côtés du chef de l’Etat. On le voit ici assurer l’arrivée d’Emmanuel Macron et de quelques invités à l’entrée de l’école primaire de Berd’huis en Normandie où une interview a été organisée en direct pour le journal de 13 heures sur TF1. ©Amine El Hasnaouy / Le Perche.

" Pas de tensions »

Entourant également le chef de l’Etat, plusieurs membres du GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République), entité créée en 1982 et plusieurs fois remaniée, composée aujourd’hui d’un groupe d’intervention de 40 policiers et de 36 gendarmes. Ce groupe d’hommes et de femmes, divisé en plusieurs unités relève du SDLP (Service de la protection) rattaché au ministère de l’Intérieur, est officiellement chargé de la protection personnelle ainsi que des déplacements du chef de l’Etat et de sa famille. 

Formés et ultra entraînés aux missions à haut risque, les policiers sont recrutés dans les rangs du SDLP et les gendarmes proviennent, quant à eux, du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale). A leur tête, le colonel, Lionel Lavergne, va lui-même être interrogé le mardi 30 juillet par la commission d’enquête du Sénat après avoir été entendu par celle de l'Assemblée nationale cinq jours plus tôt. 

« Aucune autorité directe »

Devant le très posé et méticuleux président de la dite-commission, Philippe Bas (LR), alors qu'il est questionné sur la question des relations houleuses avancées par Alexandre Benalla et les membres du GSPR, le militaire réfute l’existence de « tensions » avec ses équipes tout en insistant sur le fait que le chargé de mission « relevait pleinement du chef de cabinet de l’Elysée (…) et n’avait aucune autorité directe sur ses services. »

" M. Benalla avait un rôle de chef d'orchestre dans l'organisation des visites officielles, non officielles du Président de la République ainsi que dans la gestion des invitations pour le 14 Juillet en sachant que la partie sécurité incombe en propre en matière d'exécution au GSPR sous mon autorité", explique d'une voix lente le colonel Lavergne comme pour bien se faire comprendre. 

Interrogé le 30 juillet par la commission d’enquête du Sénat, le colonel, Lionel Lavergne, commandant du GSPR, rejette l’existence de tensions entre Alexandre Benalla et ses équipes, précisant que le chargé de mission n’avait "aucune autorité directe sur ses services." Public Sénat / Capture d'écran.

« Notre mission consiste sur le territoire français et à l’étranger d’assurer la protection personnelle et immédiate du chef de l'Etat et de mettre en œuvre les mesures nécessaires à sa sécurité dans l’organisation matérielle ainsi que dans ses déplacements », ajoute-t-il solennellement.

" Une sorte de facilitateur de la sécurité "

Face à la commission de l'Assemblée, le mercredi 25 juillet, le général, Eric Bio-Farina, commandant militaire en charge de la protection du Président au sein de l'Elysée décrit, de son côté, Alexandre Benalla comme " un excellent spécialiste." " Ce qu'il faisait, il le faisait bien et il le faisait vite avec une grande faculté d'anticipation ", rapporte ce dernier alors que le chargé de mission est soudain vu comme un " électron libre " notamment par l'opposition et ce, dans les plus hautes sphères de l'Etat. " Tout le monde appréciait ses services au sein de l'Elysée mais il avait les défauts propres à la jeunesse (...) ", ajoute le général.

"En somme, M. Benalla était "une sorte de facilitateur de la sécurité", selon le commandant militaire, sans en être "en charge". "Il ne pouvait pas intervenir dans les processus de sécurité ", martelle-t-il avant de démentir formellement l'existence d'une " police parallèle " au sein même de l'Elysée.

" Je l'ai vu porter une arme, bien sûr "

Sur la question épineuse du port d'arme du mis en cause, le général est affirmatif. " Je l'ai vu porter une arme, bien sûr, dans le cadre de certaines de ses missions. Je savais qu'une autorisation de port d'arme lui avait été délivrée et donc qu'il portait son arme de manière règlementaire ", déclare Eric Bio-Farina devant les députés.

Effectivement, le chargé de mission de l'Elysée, par ailleurs, propulsé lieutenant-colonel de la réserve citoyenne au sein de la réserve de la gendarmerie, est autorisé à porter une arme car "chargé d'une mission de police ", selon un arrêté de la préfecture de police de Paris. 

Les contradictions du général

Mais, le mercredi 12 septembre, devant la commission d'enquête du Sénat, le commandant de la présidence explique, cette fois, n'avoir "jamais vu Alexandre Benalla porter une arme dans le cadre d'une mission extérieure (...) "

Avant de poursuivre : " Dans les missions extérieures, je ne croisais jamais Alexandre Benalla parce que ce n'était pas mon champ de compétence (...) A l'intérieur, il me semble l'avoir vu avec une arme au retour d'une séance de tir, si ma mémoire est bonne et là, il la portait, oui (...) " 

Après avoir affirmé, en juillet, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale avoir vu Alexandre Benalla en possession d’une arme “ lors de certaines missions “, le général, Eric Bio-Farina, en charge de la protection du Président au sein de l'Elysée déclare, ici, tout le contraire face aux sénateurs deux mois plus tard. "Dans les missions extérieures, je ne croisais jamais Alexandre Benalla (…) " Public Sénat / Capture d’écran.

Quant à l'organisation d'un déjeuner déjà évoquée devant la commission de l'Assemblée, auquel il dit avoir participé, le mercredi 25 avril, aux côtés d'Alain Gibelin, directeur de l'Ordre public et de la circulation (DOPC) en présence d'Alexandre Benalla, déjeuner au cours duquel il aurait été discuté des " équipements " pour participer à la manifestation du 1er Mai, le général Bio-Farina, mal à l'aise, botte de nouveau en touche. " Ce repas a bien eu lieu (...)", confirme-t-il dans un premier temps.

Sac de noeuds

" Il y a des mémoires qui flanchent si j'ai bien compris ", s'autorise ensuite le commandant de l'Elysée en réponse à Alain Gibelin lequel affirme ne pas avoir été informé de la participation en tant qu'"observateur" d'Alexandre Benalla à la manifestation du 1er Mai. " Ce repas pour moi n'avait pas un caractère d'exception, donc je n'en ai pas retenu l'ensemble des détails (...)", conclut-il. 

Des contradictions prononcées dans une ambiance de confusion générale où se retrouvent soudain jetés, pêle-mêle, sur la place publique passe-droits, avantages multiples, mensonges et abus de pouvoir le tout devant ce qui ressemble à un sac de noeuds au plus haut niveau de l’Etat.

Pas de garde rapprochée à Washington 

Une semaine avant le raffut de la Place de la Contrescarpe à Paris, Emmanuel Macron et son épouse s’envolent pour Washington DC où les attendent Donald Trump et la First Lady, Melania. 

Nous sommes le lundi 23 avril. Descendent de l’avion pour cette visite exceptionnelle, la première d’un dirigeant étranger depuis l’élection de Donald Trump, l’astronaute, Thomas Pesquet, le mathématicien élu député de La République en Marche dans la 5ecirconscription de l’Essonne, Cédric Villani, mais aussi le conseiller diplomatique, Aurélien Le Chevalier, et Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, entre autres personnalités.

Côté sécurité, plusieurs membres du GSPR sont présents mais pour ce qui est de la garde rapprochée habituelle du chef de l’Etat, pas d’Alexandre Benalla à l'horizon.

« Cela n’a jamais été dans ses missions »

Interrogé sur cette absence, le service de presse de l’Elysée affirme après plusieurs jours de silence : « M. Benalla n’accompagnait pas le Président de la République lors de son déplacement aux USA. » Pour ajouter : « Cela n’a jamais été dans les missions de M. Benalla d’organiser les déplacements du chef de l’Etat à l’étranger. » 

Si sa feuille de route était si limpide concernant les voyages officiels hors de France, pourquoi, alors, Alexandre Benalla, se trouvait-il systématiquement aux côtés du président de la République dans chacune de ses apparitions publiques et privées en plus des membres du GSPR dont c’est la principale mission ? Le chargé de la sécurité du chef de l’Etat planchait-il déjà sur la « proposition de transformation de l’organisation des services ?» 

Service de protection à l'américaine

Pour rappel, un document « confidentiel » daté du jeudi 5 juillet revêtu de la mention « version projet », découvert par la police lors de la perquisition de son bureau à l’Elysée le mercredi 25 juillet, évoquait le sujet sensible de la sécurité présidentielle.  Ce projet prévoyant une refonte des services dont le GSPR pourrait même, dit-on à l’époque, s’inspirer du modèle américain, façon « Secret Service. » Le chef de l’Etat aurait, dès lors, pleine autorité sur l’entité assurant sa propre protection.

Applaudissements à la Maison de l'Amérique Latine

De quoi faire rêver le jeune chef de la sécurité que le Président de la République en personne a fait applaudir le mardi 24 juillet, lors de la soirée de fin de session parlementaire à la Maison de l’Amérique Latine à Paris. Nous sommes à la veille de la perquisition du bureau d'Alexandre Benalla à l'Elysée. Emmanuel Macron s'exprime devant un parterre de supporters, loin du public et des caméras, même si certains aficionados tels que le ministre de l’Intérieur, Gérard Colomb, aujourd’hui sur le départ ou le Premier Ministre, Edouard Philippe, chaleur oblige, sans doute, font pâle mine quand d’autres regardent leurs souliers.

" Beaucoup de courage et d'engagement "

" Alexandre Benalla nous a accompagnés pendant la campagne avec beaucoup de courage et d'engagement, s'est exclamé avec assurance, Emmanuel Macron, sortant de son silence pour rendre un vibrant hommage à l'adresse de son fidèle ex-collaborateur contre lequel une procédure de licenciement a été engagée quatre jours plus tôt. Quoi qu'il advienne dans cette affaire, je n'ai pas à oublier cet engagement..."

" Qu’ils viennent le chercher "

Avant de lancer, tonitruant : « S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher. » Après avoir évoqué des "fadaises ", avouer sa " déception " et la " trahison " qu'il a ressentie ", le chef de l'Etat s'en prend à la presse qui, selon lui, " ne recherche plus la vérité…"

Mis en examen deux jours avant 

Cette réception à laquelle la presse n’a justement pas été conviée voit aussitôt des vidéos "amateurs" de l'intervention du chef de l'Etat et des photos déferler sur les comptes Twitter des participants, puis sur les chaînes de télévision, soit 48 heures après la mise en examen de l’adjoint au chef de cabinet de l’Elysée pour « violences en réunion », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique », « port public et sans droit d’insignes réglementés », « recel de détournement d’images issue de la vidéo de protection » et « recel de violation du secret professionnel. »

Talkie-walkie à la main, un brassard de police bien en vue sur le bras gauche, Alexandre Benalla s’est présenté comme un “ observateur ” et " simple citoyen “ pour justifier de sa présence et des interventions musclées Place de la Contrescarpe et au Jardin des Plantesllors d’une interview préenregistrée sur TF1. BFMTV / Capture d’écran.<

Plusieurs vidéos prises le 1er Mai montrent, par ailleurs, Vincent Crase, gendarme réserviste, salarié du parti présidentiel LREM, en possession d’un Glock 17, arme qu’il n’aurait pas eu le droit de porter, aux côtés de sa vieille connaissance, Alexandre Benalla dans sa virée répressive. 

Pour un prêt à la banque

Le salarié réserviste, après avoir menti aux enquêteurs sur son port d’arme, par crainte de se voir refuser un prêt à la banque pour l’achat d’une maison, a, quant à lui, été mis en examen pour « violences en réunion », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » et « port prohibé d’arme de catégorie B. » Trois policiers, accusés d’avoir donné à Alexandre Benalla des images de vidéo-surveillance des heurts, sont également mis en examen pour « détournements d’images issues d’une vidéo protection » et « violation du secret professionnel. 

Si « l’observateur » et faux policier issu de l'Elysée était venu frapper et interpeller en « simple citoyen » plusieurs manifestants le 1erMai Place de la Contrescarpe et quelques heures plus tôt au Jardin des Plantes, selon les termes utilisés par l’intéressé lui-même lors d’une interview préenregistrée sur TF1, il semble cependant que le tout-puissant Alexandre Benalla aurait eu du mal à faire partie de la garde rapprochée du président de la République sur le sol américain. 

Scénario improbable aux Etats-Unis 

Et pour cause, de ce côté de l’Atlantique, pas de confusion des genres possible et encore moins d'irrégularités dans l’univers ultra-sensible et fermé de la protection rapprochée. Le sujet ne fait pas rire du tout et ne tolère encore moins une mission déguisée ou détournée de son objectif initial. Tout comme, on imaginerait mal un chargé de mission, tout coordinateur qu’il soit, abuser de son autorité et encore moins insulter des professionnels de haut-rang garants de la sécurité du Président des Etats-Unis.

Plusieurs vidéos montrent Vincent Crase, gendarme réserviste et salarié de LREM, aux côtés d’Alexandre Benalla lors des manifestations du 1er mai. Il est en possession d’un Glock 17, arme qu’il n’aurait pas eu le droit de porter. Les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années. Capture d'écran.

Une vidéo diffusée par le syndicat UNSA-Police FSPN-SI dans laquelle on voit Alexandre Benalla s’en prendre vertement à des policiers encadrant l’arrivée des Bleus le lundi 16 juillet à l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy en dit long sur la différence notoire entre la feuille de route du chargé de mission et ses actions effectives sur le terrain. 

Scénario d’autant improbable aux Etats-Unis si l'on juge aussi par les armoires à glace, costumes-cravates et oreillettes bien accrochées, présentes sur le terrain toujours prêtes à dégainer.

« Ce n’est pas l’insigne de la sécurité du Président »

Au pays de l’oncle Sam où le port d’insignes et de badges est légion, pas de doute non plus sur l’attribution d’un pin’s selon l’unité de surveillance à laquelle on appartient. La distinction au revers de la veste d’Alexandre Benalla assimilée à celle des membres du GSPR a fait beaucoup réagir notamment sur les réseaux sociaux contraignant l'Elysée à se pencher sur le précieux sésame.

Etudié à la loupe, le pin’s rond si ressemblant à celui du groupe officiel de protection de la présidence de la République, a jeté le trouble sur l’habilitation du chargé de mission à le porter. Réponse des services de presse de l’Elysée face à cette nouvelle énigme devenue polémique : « L’insigne porté par M. Benalla est celui de tous les collaborateurs de la présidence accompagnant le chef de l’Etat. Ce n’est pas l’insigne de la sécurité du Président. »

Le Secret Service sur le pied de guerre

Si on y ajoute la mystérieuse disparition d’un coffre-fort de l'appartement de l'intéressé qui soi-disant perd ses clés à l’arrivée des policiers venus perquisitionner son domicile, une voiture de fonction envolée et une soi-disant future épouse invisible, éléments dignes d'un scénario des pieds nickelés, il y a vraiment de quoi sérieusement s'interroger sur les missions exactes d'Alexandre Benalla au plus haut sommet de l'Etat.

Le Secret Service, à ne pas confondre avec les Services Secrets, comptent 7000 employés en grande partie chargés de la protection du Président des Etats-Unis, du vice-président et de leur famille. Ici, des hommes en uniforme arpentent la Trump Tower à Manhattan peu après l’élection de Donald Trump en 2016. Marie Le Blé / The Daily View.

De l’autre côté de l’Atlantique, celui qui apparaît comme étant le garde-du-corps attitré du Président français aurait donc eu bien du mal à montrer patte blanche ce qui, eu égard à la cascade de contradictions, de mystères et autres zones d’ombre entourant le personnage aurait rendu rendu son éventuelle mission encore plus difficile. 

C’est avec les “hommes du Président” comme on les appelle que les membres du GSPR ont organisé la venue du chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, aux Etats-Unis. Ce binôme du Secret Service surveille les allées et venues dans la Trump Tower où un détecteur d’armes a été installé peu après l’élection de Donald Trump en novembre 2016. Marie Le Blé / The Daily View.

Le GSPR a donc repris ses droits, cette fois, en territoire américain et de plus, en parfaite collaboration avec les agents du Secret Service (à ne pas confondre avec les Services secrets, l’un des 17 groupements faisant partie de la Communauté du renseignement américain) une fois encore sur le pied de guerre. 

« La France arrive avec son propre contingent »

Le Secret Service, institution fondée en 1865 et placée sous la responsabilité du Département de la Sécurité Intérieure compte la bagatelle de 7000 employés tous voués à des missions d’investigation principalement en matière de fraude mais aussi et surtout à la protection du président des Etats-Unis, de son vice-président et de leur famille. 

« Tout dépend du pays que nous recevons, déclare l’un de ses agents basés à Washington DC. Certains chefs d’Etat arrivent seuls et nous prenons totalement en charge leur sécurité. D’autres, ce qui a été le cas de la France en avril dernier, arrivent avec leur propre contingent. » 

« Ils dépendent de nous »

Pas de commentaire direct sur " l'affaire " qui secoue les cîmes du pouvoir en France et alimente, chaque jour, les colonnes de la presse américaine dont le New York Times qui jusqu'alors chouchoutait Mister Macron, mais le représentant du Secret Service affirme tout de go : « La visite du chef de l’Etat français s’est parfaitement bien déroulée. « Des membres du GSPR dont je ne peux donner le nombre pour des questions de sécurité sont arrivés quelques jours avant la venue du Président français. Nous avons complété leur équipe avec des agents de nos services et nous avons commencé à travailler."

Les briefings sont permanents entre les membres du Secret Service comme ici, fin 2016, dans la Trump Tower à New York où résidait Donald Trump, élu 45e Président des Etats-Unis. Ces agents ont aussi en charge la sécurité des chefs d’Etat étrangers, le tout en étroite collaboration avec leurs homologues avec lesquels les points d'étape sont quotidiens. Marie Le Blé / The Daily View.

L’agent de la Sécurité Intérieure ne met d’ailleurs pas longtemps à rappeler les règles essentielles au bon déroulement des opérations. « Les services de protection étrangers n’ont pas de pouvoirs de police chez nous, ils dépendent de nous et inversement quand nous sortons des Etats-Unis. » 

« Le GSPR est bien sûr présent »

Mais l’esprit d’équipe prévaut dès lors qu’il s’agit de veiller sur les deux chefs d’Etat réunis avec leurs épouses. Ce que confirme, sans détour, l’ambassade de France à Washington DC.

« Sur le territoire américain, c’est le Secret Service qui a la responsabilité principale d’assurer la sécurité du Président de la République mais le GSPR est, bien sûr, présent et tout le monde travaille en étroite coordination. » 

«L’ambassade nous indique ce qu’elle attend de nous, ajoute l’agent américain et nous faisons en sorte de répondre à ses demandes.» 

 « Nous ne faisons plus qu’un »

Dès leur arrivée dans la capitale américaine, les hommes du GSPR se mettent donc en action. « L’unité française était logée à la Blair House, ce qui n’était un secret pour personne, sourit le représentant américain de la protection du Président des Etats-Unis. C’est là que nos agents se sont rendus quotidiennement. Nous nous déplaçons en général à l’endroit où est hébergée l’équipe venant de l’étranger. Et à partir de là, nous ne faisons plus qu’un. » 

Lors de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron à Washington DC, les équipes du Secret Service et du GSPR ne font plus qu’un comme ici lors de la rencontre du Président de la République avec les étudiants de l'Université George Washington (GWU) le 25 avril, soit une semaine avant les exactions de son chargé de mission, Alexandre Benalla, absent du voyage. William Atkins / GWU.

Construite en 1824, la Blair House du nom d’un patron de presse très influent sous l’ère Johnson, est devenue la maison des invités du Président des Etats-Unis. 

« On se réunit au minimum une fois par jour »

C’est aussi dans ce bâtiment, situé à deux pas de la Maison Blanche, que Donald Trump avait passé sa première nuit avec son épouse, Melania, la veille de son investiture le 20 janvier 2016. « Quel que soit l’endroit où nous nous trouvons, cela peut être un hôtel, une salle de meeting, peu importe, nous nous réunissons au minimum une fois par jour, poursuit l’agent du Secret Service.

Les rencontres sont suivies d’un briefing car le programme peut être modifié en cours de journée et nous faisons toujours en sorte de nous adapter. C’est de cette façon dont nous avons procédé avec le groupe de protection français. » 

C’est toujours en front uni que le parcours officiel est passé au crible et les moindres faits et gestes étudiés. « Les deux unités ont également suivi un programme d’entraînement commun, ce qui est l’usage, précise le membre de la sécurité outre-Atlantique. Elles ont aussi beaucoup étudié la question de l’intervention des secours en cas d’attaque. »

Mars sur Tinder  

Devant autant de règles à appliquer et respecter, Alexandre Benalla n'aurait sans doute pas pu, ne serait-ce, que mettre un pouce dans la salle de réunion du groupe de protection franco-américain. Faute, peut-être, de pouvoir être du voyage, le mis-en-examen n'a cependant pas manqué d'afficher son attirance pour les Etats-Unis et son infaillible fidélité à son patron mais disons-le, à sa façon.

Une photo de lui avec Emmanuel Macron et Donald Trump prise l’an dernier dans le cadre des cérémonies du 14 Juillet à Paris a été découverte postée sur un compte ouvert sur le site de rencontres Tinder où, selon le magazine Closer, l'intéressé se présentait sous le pseudonyme de Mars en écho à Jupiter, métaphore dont s'était affublé le candidat Macron pour définir la fonction présidentielle lors d'une interview donnée au magazine Challenges en octobre 2016. On aurait presque du mal à y croire.

“Make our France great again”

« La République exemplaire », ce quelque chose au goût de « Make our France great again », beaucoup en ont rêvé, par ailleurs, à distance loin de leur pays. Le candidat Macron avait d’ailleurs soulevé une belle vague d’enthousiasme lors de sa venue à New York durant la campagne. 

Les expats ont été nombreux à se mobiliser sous la bannière LREM et les promesses de République exemplaire du jeune candidat Macron, comme ici à Washington Square à New York, une semaine avant les élections. Facebook.

Quelques mois plus tard, les urnes avaient parlé offrant, rien que dans la Grande Pomme, 90% des suffrages au futur jeune Président. La fête était dans les rues, dans les bars et les restaurants, drapeaux tricolores en avant le soir de la victoire. Mais les « fadaises » ont pris des accents de mauvais polar apportant régulièrement leur lot d'étonnement, voire d'effarement.

« Poison lent » et « perte de confiance »

Le « poison lent » de la « perte de confiance » qu’aiment tant à évoquer les experts des instituts de sondage s’est distillé au rythme des découvertes et autres révélations depuis l’été choquant l’opinion publique. Pendant que les Français se précipitent sur la route des vacances, la police se voit empêchée par la justice de poursuivre son enquête sur la disparition du coffre-fort d’Alexandre Benalla après la perquisition loupée de son appartement.

« Cher ami, merci… »

Tel un feuilleton sans fin, on apprend aussi par le Canard Enchaîné qu’une carte de visite datée du 22 janvier 2018 et non versée au dossier d’enquête a été découverte au domicile de l’ex-chargé de mission écrite de la main même du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, le gratifiant d’un très chaleureux « cher ami, merci pour la magnifique photo-souvenir de quelques forces de l’ordre réunies autour du couple présidentiel. »

Or, le même préfet de police a déclaré devant la commission d’enquête de l’Assemblée ne pas connaître Alexandre Benalla avant d’évoquer des « dérives inacceptables » et « des copinages malsains » à propos des relations de ce dernier avec des policiers.

Difficile de prendre la température à New York 

A New York, fief, en son temps, des fans de La République en Marche (LREM), difficile pour autant de prendre la température sur ce que le New York Times n’a pas hésité à qualifier de « scandale. » Sur vingt-deux membres ou sympathisants contactés, un seul a accepté de s’exprimer.

« Le député est en vacances en famille » 

Certains affirment être définitivement rentrés en France ou renvoient le micro vers « l’animateur » en titre du mouvement, Florent Joly, resté muet jusqu’à ce jour. 

Les Marcheurs fêtent la victoire d’Emmanuel Macron sur le sol américain le 7 mai 2017. Rien qu’à Manhattan, le président élu a recueilli plus de 90% des suffrages. Poing levé, Roland Lescure, le futur député LREM pour l’Amérique du Nord. Le mouvement s’est depuis largement délité notamment à New York. Facebook.

Le député LREM pour l’Amérique du Nord et président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale, Roland Lescure, est aussi aux abonnés absents. « Il est en vacances en famille », relaye son attaché parlementaire. Seul rescapé d’En Marche à New York, Gilles Herrada mais qui prévient : « J’étais macroniste avant Macron. » 

« Il n’a quand même tué personne »

Installé aux Etats-Unis depuis vingt-cinq ans, cet ancien chercheur en biologie moléculaire, devenu consultant en psychologie des populations, dit « attendre encore beaucoup des réformes proposées » par son candidat dont il affirme cependant être « extrêmement satisfait. »

L’histoire Benalla ? « Aux Etats-Unis où les violences sont quotidiennes, cette affaire est bénigne pour moi. C’est une erreur, certes, mais il ne faut pas exagérer, ce Benalla n’a quand même tué personne. » 

« Névrose collective »

Ce qui chagrine plus ce Français de Harlem, c’est « cette instrumentalisation destinée à salir Emmanuel Macron. » « Je trouve cela injuste. J’y vois une frustration des médias, le fait aussi que le Président n’explique plus sa philosophie. Aux Etats-Unis, il y a une névrose collective autour du sexe, en France, elle tourne autour du pouvoir, de l’argent et du succès. »

Quant à d’éventuels échanges avec les adhérents de LREM, « on ne s’est pas du tout parlé entre nous, réplique, Gilles, sans détour. Mes meilleurs amis sont mélanchonistes et on passe notre temps à s’engueuler là-dessus. » Bienvenue dans le nouveau monde.

Photos: Sebastien Gerber @sebgerber / Instagram ; William Atkins @w.atkins /Instagram

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